L’Est du Burkina : La paix à l’épreuve du ”terrorisme routier”…
Promouvoir la paix et la cohésion sociale dans la région de l’Est du Burkina Faso, c’est la mission que le projet Jeunes Ambassadeurs s’est assigné. Ainsi, pour une sensibilisation de masse, le projet a appuyé financièrement quatre troupes théâtrales de l’Est dont la troupe Tin-Taani. Cette dernière a présenté une pièce théâtrale à Kantchari le 30 décembre 2020. Un évènement qui a réuni plusieurs personnes autour du concept « la semaine théâtrale pour la paix et la cohésion sociale dans la Tapoa ».
Le siège de la radio Tin-Taani est plein de monde. Certaines personnes sont assises, d’autres débout. Des jeunes s’adonnent aux jeux de pétanques. Des danseurs s’exécutent au rythme des instruments. Des militaires, armes au point sont postés à tous les recoins, autour du périmètre où se déroulent les activités. Impressionnant ou du moins rassurant de les voir avec leur armada percher sur la colline qui surplombe la radio. Une présence militaire qui traduit aisément l’ambiance sécuritaire qui prévaut dans la région. Elle ne laisse personne indifférent. Mais cette peur se dissipe rapidement avec les artistes qui donnent de la voix. L’ambiance, en cette matinée ensoleillée du 30 décembre 2020, est festive dans la belle cité de Kantchari.
Des comédiens sur scène, dans décor atypique apprêté pour la circonstance, exécutent une pièce théâtrale abordant la question du vivre ensemble, la paix et la tolérance. L’association Tin-Taani tout comme le projet Jeunes Ambassadeurs travaillent, dans un contexte d’insécurité à l’Est, à promouvoir la cohésion sociale. Cette promotion se fait par le biais de la culture avec pour principale cible la jeunesse.
« Nous avons vu une population enthousiaste qui a réellement besoin de dialoguer, une population qui semble être délaissée qui a besoin de cadres de rencontres pour pouvoir s’exprimer sur le plan culture, se distraire et aussi parler de perspectives », a expliqué le bien-fondé de cette initiative, le Coordonnateur régional, Jean Sylvanus Ouali. « Cette activité est dédiée à la paix et à la cohésion », a renchéri Hama Alkamissa Lydo, président de l’association Tin-Taani qui estime que personne d’autre ne viendra construire leur région et y instaurer la paix.
Zoom sur la situation sociale…sécuritaire
Une région verdoyante, vaste… On respire un coup et on en a encore envie. L’air est pur, tout frais. Des arbres à perte de vue. Des enfants, petits bergers qui conduisent leurs bétails au pâturage s’amusent dans et l’insouciance totale. Ils demandent d’ailleurs qu’à vivre, à vaquer à leurs occupations, le plus naturellement possible, comme les autres enfants du monde, loin de la violence. Mais souvent les choses ne se déroulent toujours pas à notre convenance.
C’est avec la peur bleue au ventre qu’on rallie l’axe Fada – Kantchari. Cette peur est double : d’abord celle liée à l’insécurité alimentée par des groupes armés ensuite celle relative à l’état de la route. C’est certainement l’un des axes le plus pitoyable de l’Est, voire du pays.
Le terrorisme routier…
De Goughin à Fada N’Gourma en passant par Kantchari jusqu’à la frontière du Niger, c’est un véritable Calcio, coup de pied en pleine figure. Les trous béants sur cet axe ont atteint un niveau où il ne convient plus d’appeler nid de poules mais tout simple « petits puits ». Leurs proportions sont inquiétantes. Des crevasses qui crèvent. Des gigantesques trous qui ‘’avalent’’ par moment toute une voiture.
C’est un périple d’emprunter cette voie qu’on appelle abusivement route. C’est pénible ! avoir à l’idée de voyager en empruntant ce chemin vous ôte immédiatement le sommeil. C’est un cauchemar en plein jour. L’Est du Burkina fait face à deux sortes de terrorisme dont le terrorisme routier. S’il est moins violent, il demeure tout de même effrayant et même mortel. Combien de citoyens ont-ils perdu la vie du fait de la dégradation de cette voie ?
Chemin faisant, on aperçoit constamment des carcasses de véhicules calcinés. Des véhicules en panne et abandonnés ou en réparation par des propriétaires ou des mécaniciens commis à la tâche. Mindiéba Ouali, un natif de la région ironise, sur son compte Facebook, sous fond de dénonciation : « si tu penses que l’attente du gouvernement [après la réélection du président Kaboré, le gouvernement tarde à voir le jour] est longue, pense aux gens qui quittent Kantchari pour Ouaga à 8h pour arriver à 23h ». Et pourtant le lancement officiel pour le bitumage a été effectif il y a déjà plusieurs mois. Mais aucune pelle moins encore un Caterpillar n’est visible nulle part. C’était certainement à but électoraliste. On aura compris…
La colère est grande. La population gronde. Il ne serait pas surprenant de voir, un beau matin, la population bloquer cet axe empêchant toute trafique. C’est prévisible à moins qu’on fasse l’Autriche.
Une scène écœurante…
Des femmes âgées qui tentent, en puisant au fond d’elles, leur dernière énergie pour boucher les trous béants. Nous sommes sur le tronçon Fada – Goughin. En contrepartie elles tendent la main pour une pièce de monnaie, souvent dans l’indifférence des passants. En fait, boucher les trous serait un alibi. En réalité, elles ont besoin d’argent pour leurs besoins, notamment la pitance du jour. En un mot comme en mille, la précarité est à l’origine de cette mendicité forcée et déguisée. C’est lourd en terme d’images. Difficile de ne pas écraser une maudite larme.
Blanchies par la poussière et asséchées par le froid, ces vieilles mamans, visiblement manquent de l’élémentaire. La faim se lit dans leurs regards. Leurs enfants dans les bras, bravent autant de dangers qu’elles, au bord d’une voie où les accidents ne se comptent plus. Elles semblent être oubliées, ces femmes de l’une des régions la plus riche mais aussi la plus vaste du pays. Paradoxe !
L’aspiration à la liberté…
En effet, parmi les régions les plus touchées par la crise sécuritaire, celle de l’Est se caractérise par des sous contraintes à des degrés divers, d’une part dû à une forte pénétration territoriale des groupes armés, à un accès très difficile de certaines localités par manque de routes et aussi à l’instauration du couvre-feu sur l’ensemble de la région.
Face au péril sécuritaire, les défis sont énormes. Tout, sinon presque tout, est à revoir ou à reconstruire. Les défis sont énormes allant du manque d’eau potable au besoin réels de liberté de circuler, le besoin criard d’accès aux services sociaux de base (éducation, santé, etc.), le besoin de relance économique et d’activités génératrices de revenue, d’accès et de partage des profits des ressources naturelles tels que l’or, les produits ligneux, le gibier, etc. la nécessité absolue de cohésion sociale à tous les niveaux. Vivement !
Masbé NDENGAR