2015 et les présidents candidats aux élections présidentielles …
L’Afrique amorcera-t-elle un nouveau virage dans sa gouvernance ? Le continent connaîtra-t-il une nouvelle élite dirigeante ? La gérontocratie indéboulonnable dans certains pays a-t-elle encore de beaux jours devant elle ? Où triomphera la démocratie en Afrique ? Ces questions auront certainement une réponse au cours de cette année 2015.
Une année qui se distingue dans la vie politique du continent comme celle de presque toutes les élections. Dans chaque région du continent, des joutes électorales, indécises dans certains pays ou jouées d’avance dans d’autres se dessinent à l’horizon. Selon certains recensements, c’est dans au moins quatorze pays du continent que les populations seront appelées aux urnes pour des consultations diverses. Elles sont locales, communales, législatives et présidentielles. Et ce sont bien les élections législatives et présidentielles qui ravivent les attentions des grands analystes politiques du continent.
En Afrique de l’Ouest, six pays sont sous les projecteurs pour les élections présidentielles. Et l’enjeu est presque le même dans ces six pays. Il s’agit pour le président sortant de réussir à se faire réélire et/ou pour l’opposition de s’offrir dans certains cas une victoire historique pour parvenir au pouvoir.
Dans ce stratagème politique, avantages presque favorables pour les présidents Faure Gnassingbé du Togo, Alassane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire. Leurs compères Alpha Condé de la Guinée-Conakry et Goodluck Jonathan du Nigeria devront encore patienter jusqu’au dernier moment pour savoir si le verdict des urnes leur sera favorable. Quant au nigérien Mahmadou Issoufou, c’est une équation bien complexe même si l’homme a réussi à s’offrir (ou museler) presque l’opposition politique de son pays. Au Burkina Faso par contre, la chute inattendue de Blaise Compaoré a remis les compteurs à zéro ce qui a permis de redistribuer les cartes entre les potentiels candidats.
Les présidents sortants presque favoris
En effet, les soubresauts politiques actuels au Togo autour des réformes électorales semblent ne point ébranler le président Faure Gnassingbé. Le Chef d’Etat arrivé au pouvoir à la surprise générale de tous à la mort de son père président Gnassingbé Eyadéma surfe encore paisiblement sur les dissensions interminables au sein de l’opposition politique. Le presque désaccord entre les coalitions politiques de l’opposition autour d’un candidat unique dresse sans doute le lit à une victoire haut la main de Faure Essozima Gnassingbé.
En Côte d’Ivoire, bien qu’Alassane Ouattara soit sous les feux de critique de sa gestion politique du pays que d’aucuns jugent partisane (clanique) du pouvoir, et de la supposée implémentation d’une justice de vainqueurs au « pays des éléphants » après la crise post-électorale de 2010, le bilan économique et social d’ADO parle en sa faveur. Avec l’alliance indéfectible qu’il a établie avec l’ancien président Henri Konan Bédié, il y a très peu de chance pour l’opposition de déloger Alassane Ouattara du palais présidentiel. Et comme au Togo, la guerre d’égo au sein de l’opposition politique lui donne presque une carte blanche puisque Pascal Afi N’Guessan, tout en ne parvenant pas à rallier à sa cause les plus d’une dizaine d’autres partis de l’opposition ivoirienne, vient de s’offrir la foudre des partisans jurés de l’ancien président Laurent Gbagbo autour de l’invalidation de la candidature de ce dernier au poste du président du Front populaire ivoirien (FPI). Seules quelques forces de la société civile tentent aujourd’hui de titiller le pouvoir en mettant la pression autour de certains sujets délicats de la période post-électorale de 2010 et/ou réclamant des élections crédibles.
Les présidents candidats en mal de popularité…
Dans cette cohorte de présidents sortants revêtus du manteau d’outsider, la palme d’or reviendrait bien au nigérian Goodluck Jonathan accusé de solide inertie dans la crise de la montée islamiste au nord du pays. Le mouvement Boko Haram, cheval de Troie de la gouvernance Goodluck Jonathan fera-t-il perdre la présidentielle à ce dernier ? Bien malin qui pourra le dire, mais il y a bien une évidence. Les seize années de domination du Parti démocratique populaire (PDP) au Nigeria sont menacées par l’émergence de l’All Progressive Congress (APC), une coalition des partis de l’opposition. Au même moment, le président est confronté à une rébellion interne au sein de sa formation politique. Contestant la volonté de Goodluck Jonathan de briguer un autre mandat, des cadres importants (parlementaires, gouverneurs…) du PDP sont partis grossir les rangs de l’opposition. Mais le grand risque pour les prochaines élections générales de février prochain au Nigeria est l’éclatement des actes de violence. C’est ce que redoutent nombre d’observateurs qui se souviennent des tensions post-électorales de 2011 ayant fait plus 800 morts.
Pour qui ceux suivent l’actualité africaine de ces huit derniers, le virus Ebola a fait et continue de faire la Une. Il a décimé des milliers de personnes, notamment en Guinée-Conakry. Et bien voilà, ce virus pourrait bien emporter le président Alpha Condé de son fauteuil présidentiel. En effet, la gestion faite de cette maladie par l’ancien opposant historique de la Guinée est fortement décriée au sein de l’opinion nationale. Et la vague de protestation atteint la sphère politique du pays. A cela s’ajoutent les récurrentes crises liées à l’électricité, l’eau, aux ressources forestières et minières. Et le retour en force sur l’échiquier politique de Celou Dallen Diallo constitue une autre paire de manches dans l’indéterminisme guinéen. Comme au Nigeria, la crainte des violences post-électorales pèse lourdement sur ce scrutin.
En dehors de ces pays où les présidentielles sont en ligne de mire, dans la sous-région de l’Afrique, il y a bien un pays dont la situation politique est suivie avec grand intérêt par ses voisins : le Bénin. Pompeusement appelé « label de la démocratie en Afrique », le Bénin est dans une impasse électorale sans précédent. Mais un dégel est annoncé depuis peu avec l’organisation des élections locales et législatives en milieu du premier semestre de l’année. Sauf que certains observateurs et même des acteurs politiques craignent toujours un nouveau report de ces élections en raison du retard dans la livraison de la liste électorale en cours de correction et d’actualisation depuis deux ans.
Outre la région de l’Afrique de l’Ouest, il y a une série d’élections dans les pays tels que le Congo-Brazzaville et la République démocratique du Congo, mais sous fond d’une révision ou non de la Constitution.
Une question qui demeure aussi importante sur le processus électoral en Afrique est la manière dont les différents organismes de gestion des scrutins feront leur travail, de la crédibilité, de la transparence et de la qualité des élections.
Article initialement publié sur le blog de Rocher CHEMBESSI