Guinée : Après la peur des violences liées au vote, celle de l’annonce des résultats !
Le 11 octobre a enfin au lieu en Guinée. Le pays ne s’est pas effondré, non ! Nombreux sont les observateurs qui pensaient déjà au pire, ce jour de vote, dans le pays de Sékou Touré. Tous les signaux étaient au rouge. Mais, il n’en a rien été de grave. Au-delà des irrégularités constatées çà et là tout au long du processus électoral et même le jour du scrutin, c’est une population gonflée en bloc qui est sortie nombreuse pour élire son président de la république.
Les guinéens sont allés dans les urnes ce 11 octobre. Pour une élection sous haute tension avec des craintes d’affrontement entre partisans des différents candidats, ç’en était une. La campagne électorale a été très surchauffée avec des affrontements, violences qui ont occasionné plusieurs blessées et des pertes en vies humaines.
En Guinée forestière tout comme dans la capitale Conakry, partisans de l’opposition et du parti au pouvoir ne se sont pas fait de cadeau et chacun tenait à tout prix à montrer sa fidélité au « maitre », à son candidat.
« Pour une continuité avec Alpha Condé pour construire ensemble la Guinée d’aujourd’hui et assurer notre avenir », « Un coup KO le 11 octobre pour Alpha Condé », « je vote UFDG et Cellou Dalein Diallo est mon président », « La CENI actuelle est partiale, à la dévotion de Alpha Condé, votez Cellou Dalein Diallo et protégez vos suffrages » …
Ce sont là quelques slogans de campagne d’Alpha Condé et de Cellou Dalein Diallo, les deux principaux challengeurs à cette élection.
Conakry déjoue les pronostics le jour du vote
Au vu de l’intensité de la campagne, des violences ainsi que des prises de becs et accusations entre opposition et parti au pouvoir, il y avait de forts risques que ça dégénère à Conakry. Les violences des deux derniers jours de campagne, jeudi et vendredi, en ont donné les preuves et annonçaient la suite des évènements. Ce 08 octobre, deux personnes ont péri dans des heurts entre partisans du président sortant et candidat à sa propre succession Alpha Condé et de son principal opposant Cellou Dalein Diallo à Conakry. Tout pouvait donc arriver ce 11 octobre, jour de vote. Certains avaient prédit le pire et en appelaient déjà à la solidarité de la communauté internationale. Mais, il n’en a rien été de grave. Comme quoi, la science politique, n’est pas une science exacte. Les prédications, vaticinations des « experts » en boubou ou en costume sont tombés dans l’eau. Les élections se sont déroulées à Conakry dans la tranquillité, pas d’incidents graves signalés. Mais, du côté organisationnel, ce n’est pas le même constat.
Une CENI immature et amateur
Au niveau organisationnel, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) s’est encore mal illustrée. Un amateurisme qui s’apparente à un manque de compétence. Quelques jours avant les élections, soit le 1er octobre, la coalition des 07 candidats de l’opposition, réunie au siège de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), avait demandé le report du scrutin en raison des « nombreuses anomalies qui entachent le processus électoral ». Elle avait entre autre cité l’enrôlement des mineurs, l’éloignement de certains électeurs avec leur bureau de vote (jusqu’à 50kms pour certains), l’indisponibilité des copies des procès-verbaux de dépouillement dans certains bureaux de vote. La distribution des cartes d’électeurs se poursuivait même pendant la campagne électorale. Nous en oublions certainement d’autres anomalies. Face à ces accusations graves, qui sans nul doute entacheront à la crédibilité du scrutin, la CENI, répond, rassure, mais ne dément pas. Elle a même reconnu l’existence de ces anomalies. Son porte-parole, Salif Kébé, a martelé devant la presse le 07 octobre dernier qu’ « une CENI qui n’est pas capable de respecter son chronogramme n’est pas une CENI responsable ». Ce n’est pas faux, mais une CENI qui n’est également pas capable d’assurer la sécurité, la transparence et la crédibilité d’un scrutin, sa mission première, est encore pire. Plus loin, Mme Camara Djénabou Touré, directrice adjointe du département planification de la CENI, lancera ceci : « Provisoirement nous sommes à 6.042.000 électeurs. Nous allons finaliser les traitements très bientôt. Nous allons publier la liste des bureaux de vote, l’impression des cartes et les listes définitives dans les bureaux de vote ». On était à trois jours avant le début du scrutin. Bien que l’institution ait rassuré que le niveau de correction des anomalies constatées sur le fichier électoral est à un stade avancé, des doutes profonds subsistaient et le temps était également insuffisant pour un meilleur travail. Tout compte fait, ces élections n’ont pas surpris la CENI qui n’a d’ailleurs aucune justification objective. « Est-elle partiale, à la dévotion de Alpha Condé » comme le stipule Cellou Dalein Diallo ?
L’opposition ne reconnaîtra pas les résultats du vote
Et si un des opposants sortait vainqueur de ce scrutin ? Dans une déclaration datée du samedi 10 octobre, la coalition des 7 candidats de l’opposition annonçaient déjà les couleurs. « Nous ne reconnaitrons pas les résultats avec ces anomalies et irrégularités … », ont-ils laissé entendre. Et pourtant, ils ont battu campagne et appelé leur militant à aller voter le 11 octobre. Que cherche réellement l’opposition à travers ce « boycott partiel », sans tête ni queue ? Boule de gomme. Durant toute la journée d’hier, les leaders dont Cellou Dalein Diallo ont alimenté la presse et les réseaux sociaux d’informations faisant état de cas de fraude dans de nombreuses localités.
Déjà, dans une conférence de presse tenue ce lundi 12 octobre, Cellou Dalein Diallo, en compagnie des six autres candidats de l’opposition, a demandé l’annulation pure et simple du scrutin présidentiel du 11 octobre 2015. Cela était prévisible. Il qualifie ces élections d’« une mascarade électorale». Une autre aventure, cette fois de contestation des résultats, débute donc ce jour en Guinée. La suite promet d’être très tendue et électrique.
Les résultats provisoires attendus dans au moins 5 jours
Les résultats provisoires des élections sont attendus d’ici le 16 octobre au plut tôt. La CENI a déjà commencé son travail de décompte et les radios annoncent progressivement les résultats par bureau de vote. Pour l’heure, les guinéens sont dans l’attente et chacun polémique en faveur de son candidat. La position radicale de l’opposition de ne pas reconnaître les résultats du scrutin est sur toutes les lèvres et accentue la psychose au sein des populations.
La crainte de l’annonce des résultats est ainsi perceptible. Les positions des deux camps sont tranchées et peut virer effectivement en des violences comme celles de 2010 et même pire. Bien malin qui saura prédire les prochains jours en Guinée.
Ismaël Compaoré