Liberté de la presse : Sale temps pour les journalistes !
La question relative à la liberté d’expression et de la presse se pose avec acuité dans bon nombre de pays africains, voire du monde. Au même moment, la situation que vivent les journalistes devient de plus en plus inquiétante. En tout lieu, les « gratte papier » sont pris pour cible. Leur unique péché : informer les citoyens. Les forces de défense et de sécurité n’hésitent pas à dégainer. Les cas de bastonnade sont légions. Dans les meilleurs des cas, ils sont arrêtés, auditionnés et relâchés. Combien de matériels des hommes de presse ont été détruits ou confisqués sur le terrain du « combat »? En la matière, l’équipe de la webtélé Droit Libre TV est la mieux placée pour en témoigner, lors du coup d’état le plus « idiot » de RSP en septembre 2015. Les conditions de travail des journalistes se dégradent d’année en année. Bref, de Ouagadougou à Abidjan en passant par Bujumbura, Libreville ou Ankara… la situation n’est guère reluisante.
Si le journaliste est l’œil, l’oreille et la bouche du citoyen, cela ne l’est pas forcement pour certains dirigeants. Dans notre article datant du 17 février 2015, titré : « les élections, une épine au pied de la liberté la presse en Afrique » nous avions averti que la vague des élections qui s’annonce en 2015 et 2016 « sont des moments impropres aux activités journalistiques ». Cela se confirme, hélas peu à peu. Partout l’inquiétude grandit à propos des conditions de travail des journalistes.
En effet, Jean Bigirimana, journaliste burundais était au chômage depuis quelques mois et c’est au moment où le bonheur vient frapper à sa porte qu’il est porté disparu. Cet ancien journaliste de la Radio Rema à Bujumbura venait d’être recruté par Iwacu. Père de deux garçons, Jean Bigirimana est détenu et gardé au secret depuis le 22 juillet 2016. C’est donc plus de cinq jours que ses enfants ainsi que sa femme ne savent plus il se trouve. Selon le Reporter sans frontière(RSF), il est détenu par les services nationaux de renseignements burundais. Pourquoi Jean Bigirimana a-t-il été arrêté ? Seul Pierre Nkurunziza et ses agents de renseignement pourront y répondre puisque aucun motif d’arrestation ne lui a été signifié. Le RSF réclame purement sa libération sans délai. Si rien n’est fait pour l’arracher au plutôt que possible des griffes prêts à trancher n’importe quelle gorge de Pierre Nkurunziza, le pire est à craindre.
Libreville, le 23 juillet 2016. L’opposition gabonaise appelle à la manifestation contre la candidature de Ali Bongo. Comme il fallait s’y attendre, la presse nationale et internationale étaient présentes, quoi de plus normal. Comme il fallait s’y attendre aussi, les forces de l’ordre ont chargé. Matraque et gaz lacrymogène en main. Tout peut arriver et c’est finalement arriver. En effet, le cameraman de l’Agence France Presse (AFP) n’a pas pu échapper à la colère des gendarmes. Après être tabassé comme un vulgaire voleur, il a été jeté dans un pick-up. Il a été relâché quelque temps plus tard.
Une autre destination un autre fait. Nous sommes à Abidjan en Côte d’Ivoire. Là, c’est le journal satirique d’investigation ivoirien, l’Éléphant Déchainé qui a vu ses bureaux cambriolés. Selon le directeur général, Assalé Tiémoko, plusieurs documents compromettants pour certaines personnalités ivoiriennes ont été emportés. En effet, le journal dit être sur plusieurs enquêtes dont les têtes qui risqueraient de tomber sont celles des plus hautes autorités du pays. Peut importer le cacique qui serait emporté par les résultats de l’enquête si toutefois cela relève d’un travail journalistique. C’est le rôle de la presse d’informer les citoyens sur la vie de leur cité. Aujourd’hui c’est la vie du directeur qui est en danger : « Je me sens de plus en plus persécuté, menacé dans mon intégrité physique. En deux ans, j’ai été obligé de déménager trois fois. Ma famille, mes enfants, tout le monde est perturbé », témoigne Assalé Tiémoko. Comment se fait-il que le siège du journal, situé dans la commune résidentielle ultra sécurisée de Cocody, soit cambriolé par des individus non identifiés sans être inquiétés? Pour l’heure, la question reste non élucidée !
Plus loin géographiquement mais plus proche de nous par les faits. Nous sommes cette fois ci en Turquie. Le coup d’État manqué a ouvert la porte à une sorte de « chasse aux sorcières ». Tout le monde est traqué. Le droit de l’homme en prend un coup sérieux car le président Erdogan n’a pas trouvé mieux que de faire appel à la peine de mort. Les intimidations de l’Union Européenne sont comme un prêche dans le désert. Pire, un mandat d’arrêt a été lancé contre une quarantaine de journalistes. S’il arrive que la loi sur la peine de mort passe, alors ces journalistes n’y échapperaient pas. Que deviendra finalement la société si la voix des sans- voix est bouche bée ? 2016 serait-il une année noire pour la presse ? Les défenseurs de droit de l’homme sont interpellés pour éviter ce rouleau compresseur qui se déroule à tort contre les hommes de médias. Vivement !
Masbé NDENGAR