Tombouctou : encore un attentat malgré les restrictions sécuritaires
Les attentats avec cette méthode complexe qui consiste à lancer des roquettes sur le camp des forces des Nations-Unies, à faire exploser des véhicules piégés et remplis d’explosifs, et enfin à tirer sur tout ce qui bouge, sont malheureusement devenus presqu’une habitude pour les habitants de la vieille cité historique de Tombouctou.
Le dernier attentat qui avait meurtri la ville, avait fait 5 victimes, des jeunes travaillant à Securicom, une compagnie de gardiennage. Je me rappelle que même le jeudi dernier, vers 10h, quand je me laissais fouiller par l’un d’entre eux, je m’indignais de ne voir aucune arme sur eux, ni de barrière qui pourrait les protéger d’une voiture piégée.
Les deux casques bleus sensés veiller au grain, sur le minaret qui a été dressé semblent encore plus distraits. L’un regardait vers nous alors que l’autre ne cessait de se retourner. Je n’ai pu m’empêcher de les traiter de « jitinté », une personne paniquée dans ma langue maternelle (le songhoï). Quand un véhicule porte le sceau « UN » des Nations-Unies, ils lui permettent de se diriger directement vers la grille alors que les véhicules étrangers se garent sur le côté droit, examiné avec l’engin surmonté de miroir. Pas de fouille des cabines, ni des bagages. Pas de fouille au corps, juste le détecteur de métal passé le long des corps des passants. En plus, un arriéré mental, la bouche grande ouverte et baveuse, habillé d’une chemise militaire très sale semblait quitter les alentours. Seydou, mon chauffeur du jour (qui m’a courtoisement amené à l’aéroport dans son véhicule) est entré dans une colère noire en voyant le petit :
– Comment peuvent-il laisser une personne comme ça faire des aller-retours dans un endroit pareil ? Pourquoi n’arrivent-ils pas à prendre cette sécurité au sérieux alors qu’ils ont eu tellement de victimes parmi eux ?
– Wallahi bara habous (gratuitement) ! lui répondais-je, les casques
La sécurité et la fouille sont nettement plus sérieux à l’aéroport d’Addis-Abeba, me dis-je, en me rappelant de la manière dont les policières ont fouillé jusque dans mes seins quand on a débarqué en Éthiopie.
Je ne pouvais m’imaginer qu’un attentat d’une telle violence, si préparé allait se passer dans les mêmes lieux trois jours après.
Ce samedi 14 avril 2018, l’attaque a été très violent, avec un bilan d’un casque bleu tué, deux autres blessés, ainsi que 7 blessés parmi les troupes de Barkhane qui sont les voisins de la MINUSMA dans le site de l’aéroport de Tombouctou. 6 civils ont été touchés de sources hospitalières. 15 terroristes neutralisés par la force Barkhane et la Minusma.
Les assaillants étaient déguisés en casques bleus et étaient à bord de véhicules maquillés comme ceux de la Minusma et de l’armée malienne. Certainement décidés à prendre le contrôle du camp, comme le suggère l’Etat-major français sur son site.
Aujourd’hui le calme est revenu, mais la population a encore eu des frayeurs. La vie à Tombouctou n’est plus tranquille car nul ne sait plus quand est-ce qu’il y aura une attaque terroriste.
Article initialement publié sur le blog de Fatouma Harbert