Cher monsieur … il y a des enfants dans le car
La capitale Ouagadougou est sans doute la ville burkinabè où il est plus facile de trouver un car pour voyager à l’intérieur du pays ou même à l’extérieur. Toutes les compagnies de transport y ont au moins une gare. La concurrence étant très rude dans ce domaine, surtout la direction Bobo-Dioulasso, Ouahigouya et Koudougou, les grandes villes du pays, toutes les compagnies innovent pour capter le plus grand nombre de clients. Sur ces 3 destinations, les cars dits VIP, pour personnalités très importantes, selon la traduction française du sigle, disposent d’écrans télé où il est généralement diffusé des clips, films africains, prestations d’humoristes, etc. Les éléments sonores et vidéos diffusés dans ces compagnies de transports le sont pour tous les passagers alors qu’il y a des enfants dans les cars, voyageant avec leurs parents. C’est ainsi que des clips très osés, à caractère sensuel, sont diffusés en présence d’enfants de rien du tout.
Des scènes obscènes dans les clips vidéos
Entre début mars et fin avril de cette année, nous avons emprunté 3 des plus grandes compagnies de transport du pays pour nous rendre à Ouahigouya, Koudougou et Bobo-Dioulasso. Ces 3 compagnies ont la particularité de disposer de cars dits VIP pour le transport de leurs passagers. Mais le hic, c’est que dans aucune de ces compagnies, on ne tient compte de l’âge des passagers dans la diffusion des clips vidéos. De 00 à 100 ans, tous ont droit au même contenus vidéos. C’est dommage et malheureux. Les efforts de contrôle parental sur les chaines des bouquets sont réduits au néant quand tu voyages avec tes enfants. Ce que tu arrives à empêcher à la maison ou à l’école, entre 2 à 5h de route, est dévoyé par ces compagnies de transports VIP. Sur le tronçon Ouaga-Koudougou, un clip vidéo camerounais où une dame qui désire mettre tout le monde « dans la sauce » passait sur l’écran. Une passagère, assise non loin de nous, a fait coucher son enfant d’à peine 4 ans sur ses jambes pour lui éviter les scènes obscènes du clip. Face aux plaintes du genre « maman je veux regarder la télé », « maman laisse-moi » … suivi de pleures, elle fut obligée de laisser le « gosse » suivre tranquillement sa télé pour ne pas aussi déranger les autres passagers visiblement moins embarrassés que elle. A la gare routière de Koudougou, nous l’accostons pour comprendre son geste à l’endroit de son fils. « C’est comme ça tous les jours quand je voyage. Mais je n’ai pas le choix. J’ai expliqué la fragilité des enfants aux chauffeurs et convoyeurs de toutes les compagnies que j’emprunte. Mais rien ne change. Que Dieu me donne les moyens de payer ma propre voiture. Tout ça va finir », lâche t’elle toute fâchée. Nous décidons d’aborder un des convoyeurs pour comprendre. « Les gens aiment ça. Si on ne met pas les vidéos, les clients nous les exigent. ». Face à notre insistance sur le cas précis des enfants, lui qui ne trouvait pas de problème que les enfants et adultes aient accès au même contenu dans le car, finit par se dédouaner : « je ne suis qu’un convoyeur. C’est le chauffeur qui gère la clef USB avec les clips et films que vous avez regardé dans le car ».
Que dire à présent des pharmaciens ambulants de tous ordres qui exacerbent cette situation en proposant dans les cars des produits pour une puissance sexuelle garantie, contre les éjaculations précoces … scandé à haute voix pour tous les passagers, y compris les enfants bien évidemment ? Ces pratiques doivent cesser. L’autorité compétente doit s’y mettre pour un meilleur contrôle des contenus diffusés dans les compagnies de transports. Ça y va de l’éducation de nos enfants. Cher monsieur … il y a des enfants dans le car.
Ismaël COMPAORE