Service minimum aux CSPS de Yamtenga et de Dassasgho : Des volontaires à la rescousse
Le syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) a décrété un mot d’ordre de grève du 21 au 25 mai, et de boycott des gardes et permanences du 25 mai au 3 juin 2019 pour exiger du gouvernement la satisfaction de sa plateforme revendicative et pour plus de respect des travailleurs de la santé humaine et animale et leur syndicat. Ce 29 mai 2019, nous avons fait le tour des centres de santé et de promotion sociale (CSPS) de Yamtenga et de Dassasgho pour constater l’organisation des services de santé.
Il est presque 12 heures, lorsque nous franchissons l’enceinte du CSPS de Yamtenga. Les agents de santé vaquent normalement à leurs occupations. Quelques femmes en blouse, sont installées sous l’auvent qui sert d’espace de pesée des enfants. La vaccination des tous petits vient de s’achever. Le service se poursuit normalement jusqu’à 15h30, conformément au mot d’ordre du SYNTSHA. Puis la cour se vide progressivement des titulaires.
Ici, un dispositif particulier est mis en place pour assurer le service minimum. Des volontaires sont mobilisés pour soigner les patients. Au dispensaire, trois équipes, dont deux de quatre volontaires et une de trois volontaires se relaient. Aujourd’hui, trois volontaires sont à l’œuvre. L’un d’eux Cathérine ZONGO, nous explique.
« Nous avons été contactés par le major depuis le 22 mai, et nous nous sommes organisés en conséquence. Généralement, pour les titulaires, le service est divisé en trois tranches horaires, dont la matinée qui court de 8h à 12h, la permanence de 12h à 17h et la garde de 17h à 8h. Mais durant cette période de boycott, les titulaires assurent de 7h à 15h30 et nous prenons le relais de 15h30 à 7h durant les jours ouvrables. Le weekend et les jours fériés, les volontaires se relaient de 8h à 17h et de 17h au matin ».
Une séance de consultation au CSPS de Yamtenga par trois volontaires
Les patients se succèdent timidement pour les consultations. Ce sont généralement des cas de fièvre, de paludisme, de maux de ventre et de candidose pour les enfants. L’on procède à l’auscultation, la prise de température et l’interrogatoire avant de prescrire des produits pour le traitement. L’affluence n’est pas grande, à la différence de la saison pluvieuse qui amène son lot de maladies. Deux patients arrivés ce jour même, sont gardés dans la salle d’observation.
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L’un des volontaires nous confie dans l’anonymat, que le nombre de malades qu’ils reçoivent par garde varie de 30 à 50, alors qu’en saison pluvieuse, le nombre avoisine la centaine. Mais ils s’en tiennent aux instructions.
« Comme nous étions jusque là des stagiaires, nous suivons les enseignements et le règlement. Nous assurons le service minimum, sans aller au-delà de nos compétences. S’il y a des problèmes, je rends compte à qui de droit ».
A la maternité, trois équipes de deux personnes se relaient pour assurer la garde. A en croire la volontaire Roukiétou OUÉDRAOGO, ils enregistrent en moyenne 10 consultations et 5 accouchements par garde. Ils réalisent toutefois la responsabilité qui pèse sur leurs épaules en cette période. « Avant la grève, nous aidions les titulaires. Maintenant, c’est à nous de prendre des décisions. Cela nous met à l’épreuve. À toi de te battre pour que ça se passe bien. En cas de problème, comme des cas de saignement après l’accouchement, nous referons la patiente ailleurs ».
Le dépôt pharmaceutique fonctionne 24h sur 24, mais on déplore l’absence de certains produits, que la gérante justifie par des ruptures au district sanitaire de Bogodogo où les commandes sont lancées.
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Lorsque nous arrivions au CSPS de Dassasgho à 19h, une dizaine de malades attendent la consultation au dispensaire. Le nombre s’agrandit progressivement. Les malades et leurs accompagnants s’impatientent. Certains se plaignent d’avoir attendu pendant près deux heures de temps, tandis que d’autres déplorent le comportement des agents, qui ne prendraient pas la peine de les écouter suffisamment.
Prescription d’un traitement au CSPS de Dassosgho par un agent réquisitionné
Un agent de santé qui a requis l’anonymat, dit avoir été réquisitionné par le ministère de la santé, pour assurer le service minimum. Débordé, il est le seul professionnel en activité, accompagné par des stagiaires plus ou moins réguliers. « Malgré la réquisition, les stagiaires eux même ne viennent pas régulièrement. C’est avant-hier que certains ont commencé à venir. Beaucoup d’entre eux ignorent que la grève ne les concerne pas. (…) Nous recevons en moyenne 30 à 40 malades, et ce, parce que beaucoup ignorent que le CSPS est ouvert ».
Là, les accompagnants de l’unique malade gardé en observation sont mécontents. « Nous sommes arrivés vers 15h. Il a fallu attendre après 17h pour être reçus par les agents de santé. Un autre monsieur accidenté, venu de l’hôpital Yalgado où il n’avait pas été pris en charge du fait de la grève, a encore été renvoyé vers l’hôpital Yalgado, sans soins. Nous ne sommes pas contents, car la santé est un domaine sensible, le service minimum n’est pas négociable. » fulmine Léonard SINGBEOGO, au chevet d’un proche hypotendu.
Léonard SINGBEOGO, accompagnant d’un malade, ne cache pas son mécontentement
Idrissa OAUTTARA, lui, est un maïeuticien volontaire réquisitionné au compte du district sanitaire de Bogodogo et déployé au CSPS de Dassasgho. « Avant, je prenais les gardes avec une sage-femme. Maintenant, nous le faisons individuellement ».
À la maternité de Dassasgho tout comme à Yamtenga, aucune femme n’était internée au moment de notre passage. Le dispositif constaté est prévu pour couvrir la période de grève et de boycotte décrété par le SYNTSHA. Les volontaires se battent pour assurer le service minimum qui reste toujours en dessous des attentes des patients.
Mouniratou LOUGUE