Présentation du film ‘’Massoud’’ à la presse : « Le cinéma est une arme contre le terrorisme »
‘’Massoud’’, 2e film fiction long métrage produit par Semfilms. Réalisé par Emmanuel Rotoubam Mbaidé, Massoud a été tourné pendant plus de sept semaines au Burkina Faso. Il aborde le sujet de l’insécurité et la radicalisation de la jeunesse, à travers l’histoire d’un jeune homme qui se radicalise et qui finit par se faire recruter par un groupe armé terroriste. Ce film qui a été travaillé dans la discrétion au regard de son caractère sensible a été présenté à la presse le 8 octobre 2021 à Ouagadougou. En compétition officielle, section Perspectives au FESPACO 2021, cette projection sert d’avant-première mondiale.
Tourné entre octobre et décembre 2020, ‘’Massoud’’ est enfin sorti ! le titre de ce film est évocateur, en référence au commandant Massoud, le combattant Afghan. Ainsi, le film se veut de prôner un monde sans violence où des jeunes ne seront pas candidats à la radicalisation. Comme le commandant Massoud, le réalisateur à travers son film s’inscrit dans la dynamique de « lutter contre la barbarie » mais aussi éviter « l’endoctrinement de la jeunesse ». Si Massoud relève de la fiction, il n’en demeure pas moins que la thématique traitée relève de la réalité. Il est connu de tous que le Sahel est devenu une terre de conspiration de drame depuis quelques années. Il est écumé par des groupes armés qui endeuillent des populations. Il y a des changements profonds qui s’opèrent dans cette partie du continent. Mais cette crise semble être silencieuse. « Une crise qui se déroule sans images, sans témoignages, c’est comme une crise presque abstraite », relate le réalisateur dans sa note d’intention.
Se confiant à la presse, le réalisateur souligne que le « monde est en guerre par conséquent il utilise son arme qui est le cinéma contre ce fléau qui est le terroriste ». Ce dernier a décidé également d’être témoigne de son époque, fut-il par le biais du cinéma. Ainsi, il contribuera, de son avis, à la rédaction de son histoire : « Il ne faudra pas qu’un jour on cherche des archives de la crise au Sahel pour se rendre compte qu’il n’y a aucune image, aucun témoignage conservé de cette période si importante. C’est l’histoire, c’est notre histoire, qui s’écrit en temps réel et sous nos yeux. Documentons-la, écrivons-la. Ne laissons pas à d’autres écrire cette histoire à notre place ».
C’est un film chargé d’émotions qui plonge le téléspectateur au cœur de l’actualité sinon des réalités actuelles qui riment au rythme des bombes et autres engins de la mort qui résonnent. En effet, au-delà de la thématique, Massoud reste une histoire universelle racontée à travers un groupe d’individus. Une région en proie aux violences mais on y voit également une famille qui est prise dans la tourmente de la crise. Une journaliste, Flora, en quête de la vérité au prix de sa vie. Passionnée par son métier, rien ne semble l’arrêter. Elle deviendra par la suite otage. Elle fera la connaissance de son père dans sa cellule. Ce dernier, dans la peau d’un responsable d’une ONG, est en réalité le fournisseur des groupes armés en stupéfiants et autres produits ou matériels. Quel sera le sort de Flora et celui de son désormais père entre les mains de leurs ravisseurs ?
C’est aussi un étudiant qui est dans la tourmente. Aimant la culture et l’art en général, il tombera dans le piège des groupes radicaux. Radicalisé, il se considère désormais comme le porte-parole de Allah dont il estime avoir pour mission de le défendre face aux « mécréants ». Parallèlement, le message véhiculé par son père, imam modéré et adepte de la paix et du vivre ensemble, gène ses recruteurs. Il faut dès lors se débarrasser de cet imam gênant. Le désormais étudiant-terroriste est mis à l’épreuve. La mission de tuer l’imam, c’est-à-dire son propre père lui a été confiée. Entre la loyauté à son maitre et l’amour parental, il hésite. Mais va-t-il commettre le parricide?
Une nuit et tout a basculé… une nuit au cœur du couvre feu où même des amis deviennent des cibles à abattre. La population est prise en étau entre le terrorisme et la bavure de l’armée. A qui se fier ? où aller ? tout est confus ! la psychose règne ! Le sang coule… Massoud est un film qui décrit notre monde, le mal être de l’humanité. Bref, le reflet d’une société en deuil…
Il a convoqué sur le même plateau, de grandes figures du cinéma tels Delphine Ouattara, Ildevert Méda (Burkina Faso), Youssouf Djaoro (Tchad) et bien d’autres. Massoud se laisse regarder d’autant plus que le scénario se laisse lire. Nous avons eu connaissance de ce scénario. Il est non seulement bien narré mais l’histoire racontée est aussi intéressante que palpitante. Un scénario de 70 pages environ avec près de 120 séquences, Massoud est un récit du drame retentissant que l’humanité traverse actuellement. De Réo à Wahabou en passant par Saponé, Ziniaré, Ouagadougou, Donssin, Boromo, Laongo, etc. ce sont autant de localités où Massoud a été tourné.
Un tournage qui a suscité autant de curiosité que de peur. Le décor, le maquillage, le matériel utilisé, les rôles incarnés par des personnages, etc. tout semble être naturel. Plein de rebondissements et de suspens, c’est aussi un film qui montre la résilience de la population face à l’hydre terrorisme.
Après avoir visionné Massoud, on a le sentiment que le scénariste et réalisateur tchadien, Emmanuel Rotoubam Mbaidé, s’interroge non seulement sur son époque mouvementée de l’histoire où l’humanité tout entière est confrontée à de multiples troubles et bouleversements mais aussi sur le sens de notre évolution en posant un regard objectif sur la pensée et le choix des hommes. En un mot, quelle est notre destinée ?
Masbé NDENGAR