Après la récolte au Niger, la disette s’installe !
Il y a deux saisons au Niger. La saison sèche et celle des pluies. Chacune avec des caractéristiques palpables. La saison sèche dans les villages est une période « morte ». C’est en ce moment que les jeunes partent à l’exode. Pour les autres restés sur place, ils doivent défricher les champs et préparer la prochaine saison des pluies. Les moins paresseux se versent dans le maraichage aussi. Et c’est à la fin des pluies qu’interviennent les récoltes.
La période des récoltes au Niger commence au dernier trimestre de l’année. Parfois un peu avant, mais tout dépend de la pluviométrie. C’est un moment de grandes joies et de divertissements dans les villages d’une part, mais aussi et surtout du gaspillage. Beaucoup d’engagements contractés s’exécutent en cette période. Bien que le système de troc soit dépassé, dans certaines zones rurales au Niger, cette pratique tarde à disparaître. En temps de moissons, tout s’échange avec les céréales. Continuellement, c’est en ce temps précis que les familles célèbrent le mariage de leurs enfants. Ce n’est pas parce qu’elles ont plus d’argent dans cet intervalle de temps, mais elles dilapident leurs productions agricoles. Un fonctionnaire ne trouve jamais cher les articles quand il reçoit sa paie à la fin du mois. Le paysan aussi, peut tout s’offrir quand les récoltes sont bonnes. Au Niger, les populations vendent des céréales pour se faire soigner, pour assurer les besoins essentiels de leurs familles. Mais comment peut-on apprécier l’action de celui qui dilapide sa production pour payer de la viande, des cigarettes etc. D’autres vendent aussi pour jouer à la tombola, aux jeux de hasard ou pour participer à la course des chevaux, au Pari Mutuel Urbain (communément appelé PMU-Niger ou kalé-kalé). Là où les champs sont situés tout proche des habitations, les agriculteurs partagent leurs productions avec les petits voyous du village qui n’hésitent pas à tout voler.
Des jeux inter village sont organisés à longueur des journées et cela pendant des semaines. En effet, l’hospitalité villageoise est inégalable en cette période. Pendant les saisons de cultures, les voitures de transport dans les campagnes partent et reviennent des marchés presque vides. Mais en période de récoltes, c’est presque le contraire. Au lieu d’un seul voyage, les chauffeurs font plusieurs allers-retours. Ils ne transportent que des vivres. Le haricot et l’arachide sont les plus vendus. Quand le stock de ces derniers est épuisé, le gaspillage se tourne vers le mil ou le sorgho. Ce sont des graminacées de première nécessité chez mois. Les paysans vendent tout. Et, à un certain moment de l’année, ils ne peuvent plus racheter ce qu’ils ont eux-mêmes desservi. Désormais ils doivent s’apitoyer sur leur propre sort quand on commence à parler de faim et de crise alimentaire.
A la fin de la récolte, le chef de famille s’approprie de toute la production pour ses besoins personnels. Il peut prendre autant de femmes qu’il souhaite (maximum 4). Jamais une production agricole dans nos villages ne fait l’objet de partage entre les membres de la famille. Elle est destinée pour la consommation. Mais, en réalité elle ne serve qu’à satisfaire les égos de papy. Il peut l’utiliser pour ses besoins personnels au détriment des autres membres de la famille. Au Niger depuis longtemps, les champs, les animaux, constituent un moyen d’affirmation de soi. Ils sont toujours la propriété exclusive du chef de famille, qui lui les a hérité ou extorquer lors d’un contentieux. C’est seulement lui qui peut décider de ce qu’il veut faire de ses champs. Les enfants ne peuvent prétendre à leur propre lopin de terre qu’une fois mariés ou après la mort du père. Gare à ceux qui veulent donner du fil à tordre aux « papas dictateurs ». Les biens familiaux sont souvent la source des conflits dans les campagnes au Niger.
Article initialement publié sur le blog de Tejane
-* Le titre est de la rédaction