Journée nationale de la liberté de presse : difficile collaboration entre FDS et journalistes
Célébrer la journée nationale de la liberté de la presse devient une tradition pour le Centre national de presse Norbert Zongo (CNP-NZ). Ainsi, le 20 octobre, dédiée à la liberté de la presse nationale a été commémorée à Ouagadougou, en présence du ministre de la Communication, Remis Dandjinou et des professionnels des médias. Un panel sur le thème : « terrorisme et accès à l’information » a été organisé à cet effet. Le contexte sécuritaire justifie le choix de cette thématique. Le CNP-NZ, a procédé au lancement, ce 20 octobre 2018, d’une campagne d’interpellation de la justice burkinabè sur la lenteur que connait le traitement du dossier Norbert Zongo. En rappel, le 13 décembre prochain marquera le 20e anniversaire de l’assassinat de Norbert Zongo et de ses compagnons. « 20 ans, cela fait trop ! », dénonce le comité du pilotage du CNP-NZ. Boukary Ouoba, Dr Danielle Bougairé et l’État-major des armées étaient invités à animer le panel mais le dernier invité ne s’est pas prêté au jeu, chose que tout le monde a déploré y compris le ministre en charge de la communication.
L’armée, qualifiée de « grande muette » est peu bavarde, surtout en cette période où le pays est en « guerre » contre les forces du mal, contrairement aux journalistes. Ceci dit, la collaboration entre les hommes de médias et l’armée n’est pas facile, même si les acteurs de la presse reconnaissent une relative amélioration ces derniers temps. C’est sans doute ce qui a valu le choix du thème : « terrorisme et accès à l’information ».
Pour le ministre Remis Dandjinou, la problématique du traitement de l’information liée au terrorisme se pose avec acuité vu les agressions répétées auquelles le pays fait face actuellement. Il invite les hommes de média à s’interroger sur leur responsabilité dans le traitement de l’information. Pour lui, le choix des mots utilisés souvent ne sied pas. Il prend pour exemple de la ville de Djibo qui a fait l’objet d’attaque récemment où selon lui, certains organes ont titré « Djibo assiégé ». Il n’a pas caché sa frustration : « Je ne sais pas si le choix de ce mot a été pesé par tous les acteurs de la rédaction ? ». Il confie aux journalistes que le gouvernement s’engage à protéger les journalistes et à leur faciliter l’accès aux sources d’information.
Après l’intervention du ministre, place a été faite aux panélistes.
Le premier panéliste, Boukary Ouoba, journaliste à Mutations et par ailleurs secrétaire général de l’Association des journalistes du Burkina (AJB) s’est penché sur le sous thème : « Expérience du journaliste dans le traitement et la couverture des évènements terroristes et problèmes d’accès aux sources d’information, difficulté de vérification, la gestion de la communication par les FDS dans un contexte de défi sécuritaire ». D’emblée, il a souligné la difficulté d’avoir accès à l’information fiable en cas d’attaques terroristes. Concernant l’attaque du 15 janvier, il a fallu, d’après lui, plusieurs heures avant d’avoir la confirmation qu’il s’agissait d’un acte terroriste. Il s’interroge : « combien de temps faut-il [aux autorités] pour confirmer l’information suite à une attaque terroriste ? ».
De son avis il y a non seulement la lenteur des autorités à donner l’information mais il y a également un cafouillage communicationnel de leur part. Le conférencier, de par son expérience estime que les journalistes courent énormément de risques sur les terrains d’opération en cas d’attaques terroristes car ils ne disposent pas de kit de protection. Si l’accès aux sources d’information est, d’une manière générale, difficile, il l’est davantage plus compliqué au sein des institutions comme la justice et l’armée. Parcourant le pays, surtout dans les zones en proie aux attaques terroristes, notamment Djibo où Boukary Ouoba s’est rendu, il note que les conditions de travail des Forces de défense et de sécurité (FDS) sont déplorables.
Dr Danielle Bougairé, enseignante chercheur, quant à elle, a traité le 2e sous-thème portant sur le traitement de l’information par les médias burkinabè en temps de crise. Elle a d’abord dressé l’inventaire de la presse burkinabè. L’univers médiatique national, selon elle, compte 165 radios, 29 chaines de télé et 19 médias en ligne. Elle dit détenir ces informations du Conseil supérieur de la Communication (CSC), qu’elle invite d’ailleurs à actualiser ses données.
Selon l’enseignante chercheur, la diversité de ces médias est un facteur positif car elle permet l’accès à l’information au plus grand nombre de populations. Elle apprécie également la prise de recul des journalistes burkinabè dans le traitement de l’information en cas d’attaques terroristes. « Les journalistes donnent la parole aux invités sur les plateaux télé et aux citoyens à travers les micro trottoirs », apprécie-t-elle en faisant remarquer que les journalistes, pendant ces moments, utilisent plus les genres informatifs pour traiter l’information, chose qu’elle encourage. Et même certains organes, toujours de l’avis de Danielle Bougairé, qui ont choisi le genre commentaire, ont appelé à la solidarité (éditorial du 5 mars 2018 de Sidwaya), à l’unité et à l’apaisement.
S’il y a des bonnes pratiques, les moins bonnes existent également. Au chapitre des mauvaises pratiques donc, elle a souligné la surmédiatisation de l’information. « On en fait trop », décrie-t-elle, la situation. « C’est bien de donner des informations mais parfois on donne des détails qui sont en faveur des terroristes. Souvent on donne des informations qui n’en valent pas la peine », conclut-elle.
Masbé NDENGAR