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- Ouverture du budget au contrôle citoyen : « Il faut que l’on rende disponible l’information qui ne relève pas du secret défense »
Depuis 2016 le Burkina Faso a adhéré au Programme d’appui aux gouvernements ouverts francophones (PAGOF). A travers ce programme qui s’inscrit dans le cadre de la bonne gouvernance, le pays s’est engagé sur cinq axes essentiels portant sur le renforcement de la démocratie, l’amélioration de l’efficacité de l’administration publique, la lutte contre la corruption, l’accès à l’information et aux données ouvertes et enfin la transparence dans la gestion des finances publiques. Pour mieux comprendre le sujet et ses enjeux, Droit Libre TV 5DLTV) a rencontré Youssouf OUATTARA (YO), directeur exécutif du Centre d’information et de formation sur l’étude du budget (CIFOEB).
DLTV : Qu’est-ce que le budget ouvert ?
Y.O : De manière classique, le budget est resté une matière très technique et ésotérique. L’idée qui sous-entend le budget ouvert est que de l’élaboration en passant par la mise en œuvre jusqu’au rapportage, des mécanismes soient créés qui permettent aux citoyens d’avoir les informations sur la question budgétaire.
DLTV : En matière de transparence budgétaire, il existe des notions comme l’indice de budget ouvert, qu’est-ce que c’est ?
Y.O : C’est un mécanisme qui sert à mesurer la disponibilité de l’information budgétaire, par ailleurs le degré d’accès à cette information notamment en regardant à travers la nature de l’information pour voir si c’est un mécanisme simplifié. Il y a également le niveau de participation du citoyen au processus budgétaire, c’est-à-dire depuis les allocations des ressources aux différentes lignes jusqu’au budget finalisé qui doit être mis en œuvre. L’indice prend donc en compte la disponibilité de l’information, l’accessibilité de l’information de par sa nature digeste et enfin l’implication du citoyen dans le processus de mise en œuvre et de rapportage du budget. Comme vous le savez, après il y a des corps de contrôle comme la Cour des Comptes et l’Autorité Supérieure de Contrôle de l’Etat qui contrôlent ces actions.
DLTV : Est-ce que véritablement le citoyen a accès à cette information budgétaire dans notre pays ?
Y. O : La dernière notation du Burkina indique que le pays a de bons résultats en matière de disponibilité de l’information budgétaire car par exemple aujourd’hui le Ministère en charge des Finances met suffisamment d’informations sur son site, celui de la Direction Générale du Budget (DGB).
Cependant, là où la performance est restée faible, c’est par rapport au niveau d’implication et de participation du citoyen dans le processus budgétaire. Car que ce soit au niveau du parlement ou du gouvernement, la plupart des acteurs estiment que si nous avons déjà un gouvernement et des députés, ce n’est plus vraiment la peine de suivre de près ces questions, alors que ce n’est pas juste.
Dans l’élaboration des politiques, il faut que ce soient décidées de manière inclusive ou consultative tout au moins, les lignes budgétaires qui se dégagent de ces politiques. Et il y a souvent des arbitrages, dont le citoyen devrait être informé sur les tenants et aboutissants.
Il ne s’agit pas pour le citoyen de remplacer le Ministère en charge des finances mais plutôt de suivre la question de bout en bout. Au Burkina, le score de la participation citoyenne est quasiment de zéro, tant elle n’existe pratiquement pas et cela tire la performance du Burkina vers le bas.
DLTV : Vous avez parlé tantôt de responsabilité des acteurs, quelles sont ces responsabilités ?
Y.O : Il y a plusieurs niveaux de responsabilités à situer. D’abord au niveau des agents publics, vous en avez certains qui estiment qu’ils ont été suffisamment formés pour ces questions au point qu’il ne faille plus impliquer des acteurs externes (citoyens, ndlr). Il y a déjà à ce niveau un travail d’éducation qu’il faut faire car la nouvelle dynamique de la gestion de la chose publique commande que l’on rende compte régulièrement et sérieusement de ce qui relève du contribuable.
Au niveau des gouvernants ensuite, il y a un gros travail à faire également car ce sont eux qui donnent les orientations pour que les agents travaillent dans le sens de la transparence dans la gestion du bien public. Ce que nous constatons au Ministère de l’Économie et des Finances, c’est qu’il y a des efforts mais il existe des ministères sectoriels et des collectivités qui méritent un travail en amont. Par exemple, il y a encore des mairies qui estiment que leur budget est secret alors que pas du tout. C’est bien souvent par ignorance.
Enfin, nous-mêmes citoyens devons continuer ce travail de recherche d’informations budgétaires et économiques car ce n’est pas l’argent du gouvernement, mais plutôt le nôtre.
DLTV : Dans la dynamique de l’ouverture des budgets aux citoyens, est-ce que les budgets de la sécurité et de la défense sont désormais plus transparents ?
Y.O : C’est un secteur particulier et il demeure constant que pour notre sécurité, il doit y avoir le secret défense. Mais il est également important que dans les mécanismes internes, ceux qui sont habilités à regarder dans le fond puissent le faire. C’est ce qui est bien souvent déplorable car vous avez des agents qui posent souvent des actes répréhensibles mais dès que l’on doit regarder de près, ils invoquent le secret défense. Il faut que même avec le secret défense, on s’assure que les mécanismes de suivi et de contrôle interne fonctionnent. Nous estimons que certaines informations ne doivent pas relever du secret défense, comme la fourniture de matériel bureautique par exemple, la paperasse, etc. Il faut que la loi portant accès à l’information publique soit véritablement opérationnalisée à travers les différents décrets.
DLTV : Quelle est votre appréciation générale sur la transparence dans la question budgétaire aujourd’hui au Burkina Faso ?
Y.O : Je pense que nous avons un très faible niveau de transparence budgétaire. Quand on regarde les informations qui sont le plus souvent disponibles, il ne s’agit pas d’informations sensibles. C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas des informations qui peuvent faire l’objet de corruption, les informations sur les grandes masses des lignes budgétaires ne suffisent pas. Il faut que le processus de passation des marchés soit un jour transparent et accessible à l’ensemble des citoyens. Car c’est là qu’il existe des niches où peuvent se passer beaucoup d’actes non légaux. On se rend compte aujourd’hui que si tout le monde contrôle tout le monde, les choses se déroulent bien tant bien que l’on constate qu’avec les réseaux sociaux en plus, si vous vous rendez coupables de malversations ou de faux, cela est rendu public dans les instants qui suivent. Il faut ce mécanisme qui permette à tout le monde de surveiller tout le monde. C’est vraiment important.
Interview réalisée par Aristide OUANGRE