Ottawa : Populisme et séduction version Zida !
En visite de travail et d’amitié du 19 au 21 avril 2015 dans la capitale fédérale du Canada, le Premier Ministre Yacouba Isaac Zida a reçu les membres de la communauté burkinabè à Ottawa le dimanche 19 avril en début de soirée. Venus massivement des autres villes canadiennes et d’Ottawa-Gatineau, les Burkinabè résidant au Canada ont réservé à leur visiteur de marque ainsi qu’à sa délégation un accueil fort chaleureux.
Une rencontre aux multiples facettes
Prévue pour durer de 17h à 19h, la rencontre a débordé jusqu’à presque 21h. Aimable, affable, Mr Zida n’a pas été du tout avare de son temps et s’est prêté avec grande disponibilité aux nombreuses questions de ses compatriotes. Après l’hymne nationale chanté par tous, dans une salle très comble, ce fut le mot de bienvenue de l’ambassadeur Adrien Koné, puis le tour du Délégué des Burkinabè de prendre la parole au nom de tous les compatriotes pour souhaiter la bienvenue et soumettre des doléances. Dans un bref discours, le Premier Ministre Zida a d’abord exposé le but de sa visite débutée aux USA (NEW York, Washington) en revenant sur les jours historiques des 30-31 octobre 2014 au Burkina Faso, faisant le résumé de l’évolution actuelle du pays, puis ouvert la séance de questions en précisant que toutes les questions étaient admises et qu’il répondrait à toutes sans langue de bois. Effectivement, des questions de toutes sortes ; il y en a eu. Du maintien en poste des ambassadeurs et diplomates nommés par l’ancien régime, au statut des sociétés nationales (Onea, Sonabel, Onatel, Sonhaby, etc.) en passant par les récentes arrestations des anciens dignitaires du régime Compaoré à l’adoption du code électoral, les lotissements et la prime de dénonciation, tout a été évoqué.
Le Zida Show …
Très à l’aise et drappé dans son Faso Dan Fani, le Premier Ministre Zida a séduit et conquis la salle pleine à craquer du somptueux hôtel Château Laurier, en plein centre-ville d’Ottawa et lieu de destination privilégiée des têtes couronnées de ce monde. Maniant l’humour, taquin, a l’occasion, Mr Zida a été fidèle à sa parole en répondant sans ambages à toutes les questions, même les plus dérangeantes comme celles concernant son patrimoine, le RSP, l’armée, le MLNA. A propos de la privatisation des sociétés nationales, il a eu cette réponse qui a fait rire toute la salle : « Pour l’Onatel, on ne peut plus rien faire ; c’est vendu, c’est vendu ! Et ce sont des Burkinabè qui l’ont vendu ». Il a assuré pour les autres, que son gouvernement veillerait à ce qu’il n’en soit pas de même. Il a également admis en ce qui concerne la délicate question de nos ressources naturelles, que sa visite au Canada visait entre autres à rassurer les minières canadiennes qui sont parmi celles les plus présentes dans notre pays. Avec le Ministre des Mines, présent, il a affirmé que le nouveau code minier permettrait de ne plus brader le capital minier du pays, que ce qui était en ce moment exploité n’atteignait pas le dixième du potentiel minier disponible dans le pays.
Enfin, le vote et l’adoption du nouveau code électoral a été unanimement salué.
Les ambassadeurs rappelés qui refusent de rentrer ne sont plus payés depuis le 30 mars … !
Quant à la question des diplomates en poste, des inquiétudes ont fusé de la salle quant à la capacité de nuisance de Blaise Compaoré avec le maintien des ambassadeurs nommés par lui ; ce à quoi, le Premier Ministre a répondu qu’il était difficile de tous les rapatrier à cause des coûts que cela occasionnerait d’une part, et de l’autre, pour des questions de procédures au niveau de l’accréditation dans les pays concernés. Il a plaisanté avec le compatriote ayant posé la question : « Tous, sans exception ? Vous voulez qu’on les rapatrie tous, même votre ambassadeur ici ? » Profusion de rires dans la salle y compris du principal intéressé. Sur le même sujet, Mr Zida a affirmé en réponse à une autre question sur le sort de ceux qui, rappelés, refuseraient de rentrer qu’un décret avait été déjà signé et arrêtant les dernières paies pour le 30 mars.
Zida vole au secours de Barry
La question de la prime de dénonciation a soulevé quelques réserves de certains quant à des conséquences imprévisibles sur la cohésion de la nation car une telle pratique ne faisait pas partie de nos mœurs. Le Premier Ministre a justifié cette décision en revenant sur le drame des explosifs entreposés dans un domicile d’un quartier de Ouaga et qui a entraîné une perte en vies humaines en disant que l’entourage de l’incriminé était parfaitement au courant de cet entreposage dangereux et que personne ne l’a dénoncé. Si une telle prime avait existé, on aurait épargné ces vies disparues. Il a soutenu que c’était pour la sécurité des Burkinabé partout au pays, sur les routes et ailleurs.
Pour le vote des Burkinabè de l’étranger, il a réitéré l’impossibilité de le faire pour cette année 2015 pour des raisons de budget mais aussi de sécurité et de fichier électoral, de nombreux Burkinabè dans les villages ne disposant pas d’acte de naissance pour établir des cartes d’identité permettant d’avoir la carte électorale. A une personne qui se plaignait du coût de la caution de 25 millions de francs CFA pour les élections présidentielles, il a avoué que lui avait même proposé 50 millions et que c’est le CNT qui l’a réduite à moitié.
Le Premier Ministre s’est montré ferme sur la date des élections qui auront bel et bien lieu le 11 octobre parce que le monde entier nous regarde, a-t-il ajouté. A la question préoccupante de la communauté sur le problème de la fuite des cerveaux et de la non-utilisation des compétences des Burkinabè de l’extérieur, Mr Zida a taquiné en demandant s’il y avait eu fuite des cerveaux depuis octobre 2014 et expliqué que la fuite était due auparavant aux raisons politiques. Il a terminé sur ce point en exhortant les cerveaux de l’extérieur à rentrer pour contribuer au développement du pays; il s’est dit ouvert aux propositions et informé que 400 étudiants étaient en ce moment en spécialisation dans le monde.
La rencontre s’est terminée sur une note positive du Premier Ministre quant à la bonne reprise de l’activité économique par une hausse sensible des recettes douanières et que cela est due à la prise de conscience de la part des douaniers de la gabegie antérieure en mentionnant au passage que ‘’l’affaire Guiro’’ serait instruite sous les applaudissements nourris de la salle.
Angèle Bassolé, Ph.D.
écrivaine et éditrice,
Ottawa, Ontario,
Canada