La CAN, les délestages et les doses d’alcool
Depuis quelques jours, c’est la grande messe du football sur le continent africain. Mais au Niger, les matchs sont difficiles à suivre. Ça fait quelques moments déjà que la population est constamment plongée dans le noir. Avec la seule brasserie du pays qui vient de fermer, la CAN 2019 s’annonce compliquée.
Sans être trop fan du ballon rond, je sais quand-même reconnaître une coupure d’électricité en plein match de foot. Pas parce que la télé s’arrête d’un coup. Non ! Mais plutôt lorsque les téléspectateurs grondent, envahissant tous les recoins de mon ghetto, et dissimulant momentanément les bruits que font la famille de rats que j’héberge et qui, pour manger, se sert directement sur ma table, comme des caïds. Pendant ce temps, mon voisin qui s’est offert une certaine autonomie énergétique, avec la vieille batterie d’un semi-remorque, n’hésite pas à nous narguer, mes amis et moi, en tapant des mains comme un batteur de djembé … alors même qu’il ne s’est rien passé dans le match en court !
En général, lorsqu’il y a coupure, les téléspectateurs sortent dans la cour de la maison et s’agglutinent autour de la première personne brandissant un transistor. Vous ne connaissez pas ? Dans le monde numérique, le transistor est un peu le seul survivant de la sixième extinction de masse. Mais bon ! La radio, on n’entend beaucoup de choses mais on n’y voit rien. C’est comme un tour de passe-passe, ou des élections libres et transparentes chez nous … Beaucoup plus invisibles que transparentes. Et moi je déteste la foule ! Pas parce que ça hurle et suinte de partout, mais parce que … je déteste la foule !
Mauvaise conjoncture pour le foot
Cette année au Niger, les supporters ne pourront même pas noyer leur chagrin de foot dans la « conjoncture ». C’est le nom donné à la bière du Niger, dont la seule brasserie vient de fermer. En même temps, c’était un peu osé d’ouvrir une brasserie, même pas halal, dans un pays à 99% musulman. Le lobby des djihadistes n’allait tout de même pas rester là, à regarder la bière couler sous sa barbe ! (Même si certains pays financent autant le football que le terrorisme.)
C’est dommage. L’intérêt de vivre un match de foot en compagnie de consommateurs de bière, entre plusieurs délestages, c’est de les regarder engloutir d’importantes quantités d’alcool, en essayant de ne pas perdre le fil. A terme, le match devient une sorte de battle où l’on joue à « qui a la plus grosse ? » … bouteille évidemment ! Et à la fin, tout le monde raconte sa propre version du jeu, en fonction du type de bière qu’il a consommé. Certains racontent le match en pleurant, d’autres en rigolant, en gémissant ou via des mimiques… L’ambiance devient un peu plus glauque lorsqu’il n’y a plus d’électricité. Parmi différents effluves, des mains tentent de s’accrocher aux portefeuilles. Et quand, entre plusieurs gifles et quelques soûlards dépouillés, le courant revient, c’est la ola ! La joie.
A chaque édition, la CAN agit comme un antidépresseur. Chaque fois qu’un but est marqué, on sourit ! C’est d’ailleurs à ce moment précis qu’on se rend compte que, chez nous, le dentiste aussi est une espèce en voie de disparition. Espérons que, pour cette CAN 2019, l’ambiance sera aussi joyeuse, malgré les coupures et le manque de boisson.
Article initialement publié sur le blog de Ousmane