Projection de film à la police nationale : les policiers en rang serré contre l’impunité
« Je ne pense pas que vous avez déjà suivi un film à l’école ici. C’est un jour exceptionnel pour vous donc profitez-en », c’est par cette note que Stéphane F.Z. Bonzi, officier de police a planté le décor devant les élèves policiers après avoir souhaité la bienvenue à l’équipe du festival Ciné Droit Libre à l’école nationale de la police de Ouagadougou, ce 22 décembre 2018, pour ses activités rentrant dans le cadre de la 14e édition du festival. En prélude au dit festival, une série de projection-débats a été initiée au profit des écoles et lycées. Neuf établissements sont concernés. Parmi eux, quatre ont déjà reçu la visite de l’équipe de projection dont l’école nationale de la police.
Bien à l’aise dans leurs treillis et chacun en possession de son balluchon, les élèves policiers étaient bien installés dans la salle de lecture située dans la zone A, avant notre arrivée. Micros et vidéo projecteurs étaient déjà apprêtés pour la circonstance. L’accueil était chaleur et très amical. Certains d’entre eux nous ont même donné un coup de main à installer notre matériel. Tout est prêt. La projection pouvait commencer. Et c’est en ce moment que l’officier de police, Stéphane F.Z. Bonzi s’est saisi du micro et fait une recommandation, sous un ton militaire : « exprimez-vous librement à l’issue de la projection mais on ne sort pas dans le cadre du film. Vous avez 57mn ! ». 57 mn, c’est le temps que dure le film. C’est parti pour le visionnage.
Attentifs, les cinéphiles du jour notent tout de l’histoire sur Norbert Zongo. Des phrases, des dates, les noms des personnages, etc. sont notés minutieusement par les élèves, munis de feuilles et de stylos. C’est un pléonasme de dire que le drame de Sapouy est émouvant et cela se lissait aisément sur les visages au point que certains hésitaient s’il fallait ovationner ou pas à la fin de la projection. « Je suis très ému. C’est un film très émouvant et en même temps assez révoltant », témoigne tristement Alexandre P. Nikiéma, élève contrôleur de la police municipale. Le futur contrôleur estime qu’il est de la responsabilité des citoyens en ce qui concerne la justice pour Norbert Zongo.
Les débats ont été sans langue de bois. Pour l’élève Adama Poda, Norbert Zongo est mort pour la justice, mais il ne faut pas se leurrer : « Il y aura justice pour Norbert Zongo lorsqu’il y aura un changement de visage [changement de régime, ndlr] ». « 20 ans après et il n’y a toujours pas de justice. Est-ce que c’est l’Etat qui manque de moyens ou ce sont les acteurs qui sont incompétents ? », interroge-t-il un autre élève policier Luc Damiba, l’un des coréalisateurs du film, venu échanger avec les auxiliaires de la justice.
Le débat passionne et avec en toile de fond la soif de la justice. Les questions ne tarissent pas. Les festivaliers du jour ont oublié même l’heure de leur repas. Un autre élève demande le micro. Avant même qu’il ne pose sa question, il eut un tonner d’applaudissement. Apparemment c’est un « one man show » connu de tous. « On connait les auteurs. Quelles preuves voulez-vous encore ? » s’interroge-t-il sous un autre tonner d’applaudissement avant de lancer militairement « on avance ! ». Il poursuit : « je ne pas accepter cette injustice, non ! » se veut catégorique avant de terminer par « je tremble quand je parle de l’affaire Norbert Zongo ».
Malgré le temps passé, tous conviennent ou du moins portent espoir que justice sera rendue un jour à Norbert Zongo.
Stéphane F.Z. Bonzi, officier de police, représentant l’administration de l’école, a félicité et encouragé cette initiative sans oublier de mentionner le travail de conscientisation que Ciné Droit Libre abat depuis plusieurs années. « Par rapport à cette activité, je peux vous assurer qu’on est réellement contents. Cette initiative de Ciné Droit Libre participe à l’éveil des consciences ».
Une dizaine d’élève se sont ‘’affronté’’ sur le sujet « y aura-t-il, justice pour Norbert Zongo ? » le plus éloquent et convaincant fut Alexandre P. Nikiéma. Il affrontera huit autres camarades à la finale le 11 décembre 2018 au CENASA, en présence du parrain Claudy Siar.
Masbé NDENGAR