Cameroun : Valsero, le prisonnier d’opinion
« La révolution est en marche. Le peuple en a marre. Il y a des voix qui s’élèvent et la jeunesse renforce les rangs. La crise de nerf est passée. Le courage a repris sa place […] Vous tenterez de m’arrêter. Vous arriverez à m’arrêter. Vous déciderez de me tuer, mais qui peut tuer la liberté ? ». Ces mots sont de Valsero, le rappeur le plus engagé du Cameroun. Il a été écroué avec 216 autres personnes, le 26 janvier dernier, suite à une manifestation du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto. Valsero, tout comme beaucoup d’autres jeunes arrêtés avec lui, n’a pas sa place en prison. C’est un prisonnier d’opinion.
« On ne peut pas tuer la liberté »
Dans son titre éponyme « résistance », symbole de ses années de luttes pour l’éveil des consciences et pour l’alternance dans son Cameroun natal, en proie à un pouvoir autoritaire depuis maintenant 37 ans, le général Valsero, prévient : « Ta soif de pouvoir ne nous surprend plus […] La peur ne m’anime plus. Le peuple a la rage. Le peuple a la force qu’il faut. C’était ta dernière chance. » Ces mots, comme bien d’autres de même nature, adressés à Paul Biya et à son clan, sont une routine pour Valsero. Il les scande depuis au moins sa « lettre au président », sortie en 2008, où il dénonçait la mal gouvernance au Cameroun et appelait Paul Biya à prendre ses responsabilités. Valsero est un homme libre, sûr de ses convictions et ne manque pas l’occasion de les exprimer et surtout de les partager au Cameroun comme ailleurs. Il est bien connu dans les regroupements de mouvements citoyens africains pour être un homme « vrai », qui vit ses convictions.
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A Ouagadougou en juin 2015, en marge du festival Ciné Droit Libre, où il prenait part à une rencontre continentale de mouvements citoyens originaires du Burkina Faso, du Sénégal, de la République Démocratique du Congo, du Togo, de la Mauritanie, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, du Mali et du Cameroun, Valsero, représentant son mouvement politique « Jeunes et Forts » incitait ses camarades à envahir le champs de la politique politicienne pour conquérir le pouvoir, seul gage, pour lui, « de se débarrasser des dictateurs au pouvoir et de sortir le continent du bourbier dans lequel il se trouve ». S’appuyant sur « Jeunes et forts », il était déjà dans la dynamique de conquête du pouvoir par les urnes avec son groupe ou à renforcer le camps d’un autre candidat qui s’inscrirait dans la même dynamique qu’eux. Cette pensée, il l’a également exprimée en juillet 2018 au Sénégal lors de l’Université Populaire de l’Engagement Citoyen (UPEC) où il représentait à nouveau son mouvement « Jeunes et forts ». Ce n’était donc pas une surprise, pour ceux qui connaissent l’homme et ses convictions, de le voir, le 29 septembre 2018, au cours d’une conférence de presse, sous la bannière des structures « Our Destiny » et « Les Enfants de la Révolution », annoncer publiquement son soutien au candidat Maurice Kamto du MRC pour les élections présidentielles d’octobre 2018.
Prisonnier d’opinion
Le Général Valsero, depuis plus d’une décennie, a toujours été vu comme une cible à abattre par le pouvoir de Paul Biya. Emprisonné et intimidé à plusieurs reprises, ils n’ont pas réussi à le faire taire. Cette nième arrestation, intervenue le 26 janvier dernier, prouve à souhait que Valsero est un prisonnier d’opinion. Il n’a pas sa place en prison. C’est pourquoi, un peu partout en Afrique et dans le monde, des voix s’élèvent pour exiger tout simplement sa libération. Le rappeur Serge Bambara alias Smockey, porte-parole du mouvement Le Balai Citoyen a appelé, dans une vidéo, les dirigeants africains en général et Paul Biya en particulier à prendre la voie de la sagesse : « Valsero n’a fait que manifester son droit à la liberté d’expression […] Il ne sert à rien de s’accrocher désespérément à un pouvoir déjà parti. Une faute avouée est à moitié pardonnée. Vos peuples peuvent vous pardonner, si vous prenez la mesure, même tardive de votre mission […] Libérez la parole, libérez Valsero. Libérez tous les prisonniers d’opinions et les prisonniers politiques au Cameroun. ». Un message parmi tant d’autres, que nous espérons, ne tombera pas dans l’oreille d’un sourd. Valsero, le prisonnier d’opinion.
Ismaël COMPAORE