Ouagadougou : Allô, je cherche une servante !
On estime à 2,5 millions le nombre de ménages au Burkina Faso en 2014 selon l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD). Ouagadougou regorge aujourd’hui de plus de 2.200.000 habitants et de 17,6 % de ménages. Les besoins en personnel d’aide-ménagères ont énormément évolué, tandis que l’offre a relativement baissé. La question que se pose bon nombre de ménages aujourd’hui est « Comment trouver une domestique ? »
Elles sont nombreuses les femmes qui recherchent des aide-ménagères.
Autrefois, les fillettes quittaient le village pour les villes, et servaient à la tâche contre des sommes allant de 5.000 francs à 15.000 francs en moyenne. Aujourd’hui, il faut s’assurer d’avoir au minimum 20.000 francs pour aspirer à avoir une aide-ménagère. Le coût actuel de niveau de vie justifie ce fait. Mais le problème se trouve ailleurs : comment les trouver ?
Les filles qui quittaient les villages pour venir travailler dans les foyers en ville étaient motivées de diverses sortes. Une catégorie d’entre elles étaient envoyée par leurs parents après la saison des pluies pour trouver une activité rentable en attendant le retour de l’hivernage. Une autre catégorie partait travailler dans les foyers, pour surtout fuir le village, mais aussi pour rejoindre la ville et ses lumières. Au fil du temps, elles ont été remplacées par des filles de plus en plus jeunes.
Une préférence pour les débits de boisson
La prolifération des maquis et autres débits de boisson y sont pour quelque chose. En effet, en 2015, la Police Municipale de Ouagadougou publiait un rapport sur les débits de boisson dans la capitale : 1279 bars, 1383 buvettes, 1705 kiosques, 93 jardins, 25 boites de nuit, 99 caves, 286 cabarets.
Pour que l’offre réponde à la demande, les jeunes filles ont donc trouvé un nouveau centre d’intérêt. Elles ne s’intéressent plus aux travaux ménagers dans les foyers, car estimant que cela est beaucoup moins lucratif. En plus, elles occupent désormais, à moins de 16 ans, les maquis et débits de boisson de la place.
L’avantage pécuniaire qu’elles en tirent c’est qu’elles sont payées là, c’est vrai, mieux que dans les foyers en général où elles gagnent moins de 30.000 francs CFA le mois. En plus, il faut compter avec les pourboires et astuces qu’elles ont pour se faire une marge auprès de leurs clients. L’autre face de la pièce, ce sont les dangers qui guettent ces jeunes filles dans le milieu de la nuit. Elles sont désormais exposées à la violence, à la drogue et à la cigarette, à la dépravation et à la prostitution à moins de 16 ans souvent. Beaucoup d’entre elles, peu à peu, sombrent dans la prostitution afin d’ « arrondir leurs fins de mois ».
Ces filles méritent du respect
Le respect dû aux « bonnes » comme nous nous plaisons à les appeler doit être restauré, afin de professionnaliser à minima la fonction, ô combien importante pour les ménages dans nos cités. Car il devient de plus en plus difficile de trouver une « bonne » aide-ménagère, car la concurrence entre les deux métiers est devenue rude (aide-ménagère/ serveuse de bar ou maquis). Il appartient aux premières, désormais réunies au sein d’association nationales, de lutter davantage pour un meilleur statut et donc pour une valorisation de leur métier.
Il faut déjà saluer à ce niveau ces dames et filles réunies depuis 2014 au sein de l’Association de défense des droits des aides ménagères et domestiques (ADDAD). Elles sont relativement actives et disposent même de référence sur les réseaux sociaux. Cependant, leurs actions ne sont pas vraiment vues et elles peinent à se faire entendre.
Enfin, rééquilibrer le domaine et dynamiser la fonction des aide-ménagères permettra, à long terme que les femmes au foyer ne soient pas embrigadées plutôt que de continuer sur l’élan de leur émancipation dans la société burkinabè, et dans les fonctions et responsabilités professionnelles plus grandes. Car sinon, l’argument du manque d’aide-ménagères et de domestiques servira à enfermer plus d’une dans le foyer, pour le bonheur des « misogynes ».
Aristide OUANGRE
Stagiaire